AVANT-PROPOS
ARCHITECTURE PATRIMOINE HUMANISME : L’ARCHITECTURE CONSTRUITE
L’architecture porte les valeurs d’une société, de son ordre, de ses aspirations et de sa culture. Elle manifeste de façon symbolique la relation métaphysique de la société humaine, (ce que le Corbusier appelait joliment « le rapport au Cosmos »), mais aussi l’organisation même de cette société. L’architecture naît, historiquement, de la volonté des Grands et du savoir-faire des maîtres d’œuvre.
Eupalinos était architecte – maître des ouvriers – et François Mansart, le plus grand architecte français, écrivit humblement « l’Art de bien bâtir à petits frais ».
Lui-même, ou les Androuet du Cerceau, qui furent parmi les premiers à introduire les codes de la Renaissance en France, Ou Brunelleschi, confronté à la difficulté de l’érection de la coupole de Ste Marie des Fleurs n’envisageait pas que l’architecture puisse être autre chose qu’un art sublime de bâtir.
Quand Suger, au XIème siècle français affirmait que « Dieu est Lumière » et demandait à Pierre de Meaux de le traduire dans la pierre (c’est la naissance de l’Opus Francorum, rebaptisé péjorativement, quatre siècles plus tard : « Gothique »), il n’envisageait pas de décalage entre la pensée créative et l’œuvre à réaliser … entre l’œuvre et l’ouvrage.
De cette conjonction inspirée de l’esprit et la matière, si bien dite par Benvenuto Cellini, ou encore Michelangelo Buonarroti (lorsqu’il affirmait que David était déjà existant dans la matière du bloc de marbre qu’il avait taillé), est né le patrimoine architectural européen, désormais porteur d’un humanisme « en dehors du temps ».
Cette sublimation de la matière, sur l’ordre des grands, se retrouve dans l’Asie de l’Ouest (Moyen Orient) notamment avec l’admirable travail de l’ingénieur militaire Sinan auquel Soleiman avait ordonné de concevoir et de réaliser une mosquée, alors même, que humblement, Sinan ordonnateur de la matière, ne s’attribue pas le savoir d’une si haute spiritualité. Il fait la Mosquée Bleue.
Bien plus, en Asie, la notion même de l’architecte de conception n’existe historiquement pas. Au Japon, par exemple, l’architecte est charpentier, l’homme de la mise en œuvre.
Lorsque l’Empereur de Chine voulait une architecture pour prier la fécondité des moissons (Tian Tan à Pékin), il ordonnait aux hommes de l’art de réaliser un ouvrage d’art ». De même les Empereurs mandchous pour les tombeaux de Shenyang. Cette spiritualisation de la matière, à partir de la matière, se retrouve en Afrique et en Amérique dans les œuvres Mayas et Incas.
Alors même que l’Architecture de dessin n’apparaît qu’à la fin du XIXème siècle, en Occident, hautement porteuse d’Académisme. Celle-ci, de plus en plus détachée de la magie de la matière, tend à envahir le champ entier de l’Architecture Contemporaine, pour n’être plus, dans la logique même de son évolution, qu’une Architecture de design, puis un simple design détaché de l’émotion intense des « choses de la vie ».
Sur ce constat, différents professeurs d’Architecture d’Écoles Européennes et d’Asie ont décidé de développer dans leur enseignement, le goût de la Matière et des Technologies qui s’y rattachent, en tant que Racines même de l’Architecture : l’Architecture Construite.